Presse néerlandaise du mardi 23 avril 2002

Le passage du leader d’extrême-droite Jean-Marie Le Pen au premier tour des élections présidentielles françaises ne fait plus tous les grands titres ce matin, mais la couverture de presse accordée au bouleversement inattendu du paysage politique reste abondante. De nombreuses synthèses de dépêches sur les réactions internationales, des analyses, des correspondances d’ambiance et des portraits politiques de Le Pen figurent dans les pages intérieures et quelques éditorialistes commentent encore la situation.

NRC Handelsblad
d’hier soir : "Le Pen inopinément plus fort que Jospin", "La
France en désarroi", "Début glacial de la campagne électorale du
PvdA"

de Volkskrant
 : "Les NS menacent de boycotter les supporters", "La Cinquième République
est bouclée – Les perdants français demandent de soutenir Chirac"

De Telegraaf
 : "Les grands arbitres menacent d’entrer en action – ’Nous en avons assez
de l’agressivité et des menaces dans la sphère privée’",
"Netelenbos ne sera pas Commissaire de la Reine en Hollande du Nord"

Trouw  : "Tous derrière le ’menteur Chirac’",
"Hollande du Nord : un fonctionnaire l’emporte sur la ministre"

Algemeen Dagblad
 : "’Fortuyn stimulera le taux de participation’ – Les prévisions du SCP
concernant les élections législatives", "La honte et la colère
s’emparent de la France", "Le VVD et le CDA bloquent le nouveau poste
de Netelenbos"

Le dossier du jour
 : Elections présidentielles françaises

" C’est la première fois
dans l’histoire de la Cinquième République fondée par le général Charles de
Gaulle qu’un candidat d’extrême-droite atteint le second tour
",
souligne le NRC Handelsblad à
la une, dans une analyse. "Jamais encore un président en fonctions n’avait
obtenu un aussi mauvais résultat, 19,5 %. Jamais encore le taux de
participation, à peine 73 %, n’avait été aussi faible au premier tour de
l’élection présidentielle, ’la reine des élections’ en France. Jamais encore
autant de candidats, seize au total, étaient en lice. Jamais encore le PCF, le
parti communiste jadis si puissant, n’avait obtenu un score aussi faible (3,4
%). Jamais encore l’extrême gauche, avec trois groupuscules trotskistes,
n’avait obtenu autant de voix (près de 11 %)."

"Bien que personne n’ait prévu la révolution que ce premier tour
provoque, tout le monde tire la même conclusion : l’imprévu total a pu se réaliser par suite du faible taux de
participation, combiné à l’éparpillement de la gauche, surtout
."

" Le triomphe de Jean-Marie
Le Pen au premier tour des élections présidentielles françaises est tout
d’abord un succès de l’extrême-droite française elle-même
", ajoute
le NRC Handelsblad en page 5.
" Mais on peut aussi le considérer
comme la énième expression d’insatisfaction populiste de droite en Europe de
l’Ouest, face aux partis politiques établis
."

Le journal du soir discerne une "trame
frappante" dans la progression de l’extrême-droite en Europe. "Elle
s’est manifestée pour la première fois au niveau des élections nationales en
Autriche, il y a deux ans. L’an dernier, elle s’est poursuivie via l’Italie, la
Norvège et le Danemark, et cette année elle s’esquisse aussi au Portugal et en
France. Entre-temps, des succès ont été enregistrés lors d’élections
locales en Belgique, en Allemagne, au Portugal et aux Pays-Bas."

Ce matin, le Volkskrant (p.5) insiste aussi sur cette dimension européenne du phénomène , sous le titre "L’électorat
européen en a assez de la bouillie grise". "Après l’Autriche,
l’Italie et le Danemark, la France est maintenant le quatrième pays de l’UE où
l’extrême-droite bat d’importants représentants de la politique
traditionnelle. La confortable majorité
de la gauche en Europe, qui semblait encore intangible il y a deux ans, s’est
presque totalement évaporée
,
car dans différents autres pays (le Portugal, l’Irlande) des partis de droite
sont arrivés au pouvoir depuis. Le gouvernement du chancelier Schröder
vacille, et aux Pays-Bas les sondages d’opinion prédisent une majorité de
droite à la Deuxième Chambre."

" Le succès du candidat de
l’extrême-droite à la présidence, Le Pen, a causé un choc dans les milieux
politiques de La Haye
", note le Telegraaf
p.1 et 11) ce matin. "Nombre de personnalités éminentes, dont le premier
ministre démissionnaire Kok, sont très préoccupées par le virage à droite
en France. Kok l’a qualifié de ’préoccupant’,
mais il a tout de même ’pleinement confiance dans la force de la démocratie
française’
. La tête de liste PvdA Melkert estime que c’est un
avertissement aux électeurs néerlandais qui voudront par exemple voter Pim
Fortuyn le 15 mai. Le VVD Weisglas considère Le Pen comme ’un vrai raciste’.
Selon lui, il existe dans notre pays le même fossé entre les électeurs et la
politique qu’en France, mais Pim Fortuyn n’est pas vraiment comparable à Le
Pen. Selon Balkenende (CDA), le résultat des élections françaises devrait être
un signal pour les politiques néerlandais."

Commentaires

" La Cinquième République
tremble sur ses fondements
", remarque l’éditorialiste du NRC Handelsblad .
"Le Pen, après une scission de son Front National, a apparemment resurgi
du néant. Sa xénophobie (un mélange de racisme plus ou moins secret, d’antisémitisme,
d’anti-islamisme et d’anti-européanisme) n’est plus un phénomène marginal,
mais reflète un large courant sous-jacent. Les conséquences de cette situation
sont imprévisibles."

Selon le journal du soir, " Jospin
a surtout perdu ces élections à cause d’un dissident de son propre parti :
le républicain de gauche Chevènement
."

" Le
sort de Jospin n’est pas un phénomène exclusivement français
. Ce qu’on
appelle ’cohabitation’ en France s’appelle Third Way ou New Labour en
Grande-Bretagne, Neue Mitte en République fédérale et Paars aux Pays-Bas. Partout,
les électeurs semblent en avoir assez
."

" La première réaction qui
s’impose est l’horreur
", commente ce matin le Trouw . "Jospin a tiré ses conclusions immédiatement, et à
juste titre : il démissionnera après le deuxième tour, dans deux
semaines. Avec ses collègues de parti et le reste du large spectre des partis
de gauche, il pourra se poser la question ’comment cela était-il été possible ?’
Mais il convient de poser cette question dans un cadre plus large. Jörg
Haider en Autriche, Umberto Bossi en Italie, Pia Kjaersgaard au Danemark :
l’extrême-droite, semble-t-il, progresse en Europe
."

" Aux Pays-Bas, nous avons
Pim Fortuyn
. Le leader de l’extrême-droite
en France et l’ex-professeur néerlandais ne sont pas comparables à de nombreux
égards, mais il y a un parallèle frappant entre le résultat de dimanche et
celui des élections municipales de Rotterdam : le rejet massif par les électeurs
de la politique établie
."

"Il semble d’ores et déjà certain que
Chirac sera réélu dans deux semaines." "Cela peut paraître
rassurant, mais en fait, c’est particulièrement amer. Dans deux semaines la
France élira un président qui est souillé par des scandales et qui a échappé
jusqu’à présent à la justice parce qu’il jouit de l’immunité du chef de
l’Etat. Et dire qu’il faut en être content."

Le Telegraaf partage l’avis
de plusieurs de ses confrères que le
succès inattendu de Le Pen "est en partie dû au faible taux de
participation, en partie à la dispersion de la gauche et en partie à la préoccupation
de beaucoup de Français pour leur sécurité, derrière laquelle se cache aussi
une vive inquiétude concernant la société multiculturelle"
. "La
coopération de Chirac et Jospin, ces dernières années, a également fait
l’objet de vives critiques."

" On ne peut pas considérer
ce développement en France indépendamment des événements ailleurs en Europe,
y compris dans notre pays
", estime aussi le journal populaire.
"L’establishment politique qui se fait sabrer maintenant les a pris trop à
la légère et l’électorat le punit sévèrement."

"La montée de Le Pen n’a guère de conséquences
pour les élections présidentielles", conclut le Telegraaf.
"Il ne peut pas les gagner. Ce sont les élections législatives de juin,
qui détermineront la couleur politique du gouvernement, qui seront décisives."

Actualité
internationale

Organisation
pour l’Interdiction des Armes Chimiques

"Le directeur de l’Organisation pour
l’Interdiction des Armes Chimiques (OIAC), le Brésilien Jose Bustani, a été
destitué hier", rapporte le Telegraaf
(p.13) dans une brève. "Bustani s’était mis à dos les Etats-Unis et
c’est sous la pression de ce grand sponsor que son départ a été voté. Les
Etats-Unis accusaient Bustani de
mauvaise gestion financière, alors que Bustani lui-même pense que son attitude
indépendante vis-à-vis de l’Irak est à l’origine de la controverse."

Actualité
intérieure

Conseil
municipal de Rotterdam

"A la mairie de Rotterdam, Pim Fortuyn (LR), Nico Janssens (VVD) et
Sjaak van der Tak (CDA) échangent des poignées de mains en souriant, avant
d’entamer ensemble un ’gâteau de mariage’", retient le journal de
Rotterdam Algemeen Dagblad (pp.1 et
3) de la présentation officielle, hier,
du nouveau collège B & W
(le maire et les échevins) de la métropole
mosane. "Ils ont tous obtenu ce qu’ils voulaient. Leefbaar Rotterdam, avec le portefeuille d’échevin chargé de la sécurité,
revendique le rôle principal dans la lutte promise contre la dégradation, le
CDA, avec Van der Tak comme échevin de la politique d’intégration, pourra
inculquer normes et valeurs à la population et le VVD veillera aux finances et
à l’accessibilité de la ville
."

"Mais comme dans toutes les négociations, les parties ont dû
faire des concessions. Le ’nouvel élan’
avec lequel Leefbaar Rotterdam, le CDA et le VVD vont administrer la ville ne
contient qu’une partie de la philosophie du vainqueur des élections
municipales, Fortuyn
. Ses projets les
plus controversés ont été balayés de la table
."

"Sous le titre ’Un nouvel élan pour Rotterdam !’ la coalition
s’attaquera surtout à l’insécurité croissante dans la rue, la dégradation
des quartiers et l’exode des couches supérieures de la population. Une
offensive de civilisation – pénalisation immédiate des comportements
abusifs, soutien éducatif, insertion sociale obligatoire – doit faire de
Rotterdam une société solide."

"Les négociateurs de LR s’avèrent avoir
laissé une grande marge de manœuvre à leurs collègues du CDA et du VVD,
ainsi qu’il ressort du programme. Une grande partie de l’accord élaboré sous
la direction de l’informateur Van Schendelen est une reconduction de la
politique existante."

" Le
leader CDA Balkenende s’enthousiasme de la manière dont Pim Fortuyn a su former
à Rotterdam un collège avec le CDA et le VVD
", rapporte le Telegraaf
(p.3). "Selon le président du groupe parlementaire chrétien-démocrate,
le résultat est tout à fait convenable et montre que Fortuyn
est prêt à conclure des compromis
."

" Rotterdam
se lance dans une expérience administrative dont seuls les contours sont
visibles pour l’instant
", commente l’éditorialiste de l’ Algemeen
Dagblad
. "D’un côté, c’est suffisamment intéressant pour lui
accorder toutes les chances de réussire, de l’autre c’est tellement prétentieux
que cela mérite une opposition critique."

Joint
Strike Fighter

Le journal d’affaires Het
Financieele Dagblad
(p.4) prévoit le partage des voix à la Deuxième
Chambre, aujourd’hui, sur la participation des Pays-Bas au développement du
chasseur américain Joint Strike Fighter (JSF). " Sauf imprévu, 74 députés PvdA, D66, GroenLinks et SP rejetteront la
participation, et autant de parlementaires VVD, CDA, ChristenUnie et SGP
soutiendront la décision gouvernementale
. Deux députés, le VVD Nicolaï
et le PvdA Apostolou, sont à Tokyo où ils assistent à une conférence sur la
drogue."

"En cas de partage des voix, la Deuxième
Chambre devra se prononcer une nouvelle fois sur le JSF, dans le courant de la
semaine. Il paraît logique d’en attendre un deuxième ’match nul’. La parole
sera alors au gouvernement. Un double résultat de 74 voix contre 74 signifie
formellement que le gouvernement peut maintenir sa décision de participer au développement
du JSF, mais le PvdA s’attend à ce qu’il n’ose pas faire ce pas sans le soutien
de ce parti, et qu’il abandonne la décision au prochain gouvernement."

A noter que les entreprises néerlandaises
souhaitant participer au projet américain font aujourd’hui une ultime tentative
pour convaincre la Deuxième Chambre de voter pour, en publiant un appel d’une
demi-page dans les quotidiens. "L’industrie voit avec angoisse se
rapprocher la date limite du JSF", note le Volkskrant (p.2) à ce propos.

Commissariat
de la Reine en Hollande du Nord

L’ensemble de la presse annonce à la une le retrait
de la candidature de la ministre démissionnaire Netelenbos
(Transports et
Voies d’Eau, PvdA) au poste de Commissaire de la Reine en Hollande du Nord, les
Etats Provinciaux s’étant prononcés en faveur de son rival, le fonctionnaire
Borghouts (GroenLinks) par 36 voix contre 33. Netelenbos, dans une déclaration
publiée hier, écrit qu’elle déplore le choix de la province, d’autant plus
qu’elle avait été invitée à poser sa candidature, et qu’elle regrette que
l’affaire ait été ébruitée prématurément par la presse.

Supporters

" Le maire d’Amsterdam,
Cohen, a fait renvoyer dimanche des supporters du club de football FC Utrecht
parce qu’ils chantaient des chants discriminatoires
", relève le NRC Handelsblad
d’hier soir à la une, à la suite de quelques comptes rendus dans la presse du
matin. "Les supporters étaient en route vers le stade Arena d’Amsterdam
pour suivre le match Ajax-Utrecht et scandaient en masse ’Hamas, Hamas ; alle
joden aan het gas’ [Hamas, Hamas, tous les juifs au gaz] – le mot ’juifs’,
dans ce contexte, désignant les supporters d’Ajax, qui s’appellent eux-mêmes
ainsi. Certains supporters d’Utrecht faisaient le salut hitlérien."

"Onze personnes ont été arrêtées au total, dont la plupart étaient
recherchées pour des incidents antérieurs."

"Le président de l’association des
supporters du FC Utrecht s’est étonné de l’action de la police. A l’issue du
match (1-0 pour Ajax), l’entraîneur d’Ajax, Koeman, a qualifié la mesure de
Cohen de lourde. ’On crie de tout dans les stades’."

"Cela fait des années qu’on peut
entendre le slogan en question lors des matches de football d’Ajax", précise
le journal d’Amsterdam Het Parool à
la une. Il ajoute que, selon une porte-parole de la police d’Amsterdam, celle-ci
n’est pas intervenue contre les slogans scandés par les supporters d’Ajax - qui
souhaitaient toutes sortes de vilaines maladies à leurs adversaires - car ils
n’étaient pas racistes.

 

Economie,
Finances

Personnels
allemands

Selon les dernières statistiques du Centraal
Bureau voor de Statistiek
(CBS), de plus en plus d’Allemands viennent
travailler aux Pays-Bas. Par rapport à 2000, le nombre de navetteurs allemands
a augmenté de 60 %, atteignant 8 000 fin mars 2001. Seuls ont été comptés
les travailleurs cotisant d’office au ziekenfonds
(assurance maladie). Selon un bureau d’étude de Maastricht, de plus en plus de
chômeurs allemands optent pour un emploi aux Pays-Bas, où il y a de nombreux
postes vacants. Le taux de chômage des frontaliers allemands du Limbourg est
presque trois fois plus élevé que celui du Limbourg du Nord et du Centre, et
double de celui du Limbourg du Sud, une région économiquement faible des
Pays-Bas.

Outre des frontaliers, les Pays-Bas attirent aussi des demandeurs
d’emplois de l’ancienne RDA, qui viennent pour des périodes plus ou moins
longues et exercent notamment des métiers techniques. Un emploi aux Pays-Bas
est plus attrayant pour les Allemands de l’ex-RDA parce les salaires y sont plus
élevés. Ce n’est pas le cas pour les Allemands de l’Ouest, qui gagnent
toujours 10 à 20 % de plus que les Néerlandais.

Dernière modification : 21/04/2010

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